Simplification des procédures disciplinaires : une atteinte aux droits des élèves

Conçu à la suite de l’agression d’une enseignante de l’académie de Créteil menacée avec une arme factice par l’un de ses élèves, le plan de lutte contre la violence a été dévoilé au mois d’août 2019. Parmi les mesures annoncées, la modification des procédures disciplinaires dans les collèges et les lycées s’inscrit dans une logique essentiellement répressive. Décryptage avec Agnès Dumas, secrétaire générale de la FCPE du Doubs.

1. Un raccourcissement des délais qui met à mal l’instruction des dossiers
Ce qui change
Depuis septembre 2019, le délai de convocation du conseil de discipline est de cinq jours (contre huit jours auparavant) et la forme de la convocation est assouplie (possibilité de remise en mains propres pour l’élève, ses représentants légaux et la personne chargée de l’assister, possibilité de convocation par tout moyen, y compris courrier électronique pour les autres membres). Dans le même temps, le chef d’établissement peut réduire le délai accordé à l’élève pour présenter sa défense : de trois jours ouvrables, il passe à deux.
L’analyse
« Il est dit que le but est d’apporter une réponse plus rapide aux faits de violence. Mais les faits de violence sont rarement anodins et méritent un temps d’instruction pour comprendre ce qu’il s’est passé, recueillir éventuellement des témoignages, remarque Agnès Dumas. Cette réduction des délais induit que le chef d’établissement dispose d’un temps plus court pour constituer le dossier. Le problème est le même pour les membres du conseil de discipline (représentants de parents d’élèves, enseignants, etc.) qui disposent de moins de temps pour le consulter. Enfin, cette réduction constitue clairement une atteinte aux droits de la défense puisque l’élève et sa famille se retrouvent dans une situation d’urgence pour trouver un conseil extérieur, éventuellement un avocat. »
 
2. Les sanctions conservées plus longtemps dans le dossier administratif de l’élève
Ce qui change
Alors qu’elles étaient effacées à l’issue de l’année scolaire, les sanctions (à partir du blâme) ne sont désormais effacées qu’à l’issue de l’année scolaire suivant l’année de la sanction, voire à l’issue de la deuxième année scolaire suivant l’année de la sanction (pour une exclusion temporaire).
L’analyse
« Ce prolongement du délai de conservation n’a aucun intérêt pédagogique, c’est une mesure uniquement administrative qui va compliquer la vie des équipes sans contribuer à un meilleur respect et une meilleure compréhension des règles collectives par les élèves, remarque Agnès Dumas. Par ailleurs, il faut tenir compte de l’angoisse des parents qui craignent que les sanctions restent dans le dossier de l'élève et impactent son orientation. Attention, en effet, à ce que ce rallongement ne dérive pas vers une sorte de « casier de l'élève ». Rappelons-le : donner une autre chance, pouvoir se racheter doit toujours être possible. Enfin, il est important d’informer les parents que des sanctions (hormis l’exclusion définitive) sont effacées du dossier de leur enfant au terme du délai de conservation et peuvent l’être aussi à leur demande lors d'un changement d'établissement (voir article R511-13 du code de l'éducation). »

Rien sur le climat scolaire !
« Dans le plan présenté par le gouvernement, il est question de « renforcer l’action disciplinaire dans les collèges et les lycée », « protéger l’école », « sécuriser l’espace scolaire et les abords de l’établissement » (etc.). Autrement dit, tous les efforts sont concentrés sur le volet répressif, au détriment de mesures préventives, éducatives et pédagogiques pourtant indispensables pour enrayer la violence dans les établissements, indique Agnès Dumas. En effet, sanctionner sans faire prendre conscience à l’élève de la gravité de son acte est inutile. Par exemple, un élève qui déclenche de manière intempestive l’alarme incendie se rend coupable d’une mise en danger de la vie d’autrui, passible d’une exclusion définitive et d’une amende conséquente au pénal. N’est-il pas nécessaire, avant toute chose, de lui expliquer la portée de son geste ? Il existe pour cela des mesures de responsabilisation, insuffisamment utilisées aujourd’hui : un stage de sensibilisation réalisé auprès des sapeurs-pompiers par exemple. »

Infos pratiques

La FCPE propose un nouveau module de formation sur sa plateforme jaimemonecolepublique.fr sur les procédures disciplinaires, à destination des parents d’élèves, membres du conseil de discipline ou dont l’enfant passe en conseil de discipline.