Le bizutage : informer et prévenir

Secrétaire générale du Comité national contre le bizutage, Françoise Mougin était l’invitée de la FCPE mardi 9 octobre 2025, pour partager près de 25 ans d’expérience de terrain auprès des familles et établissements. Elle invite les parents à jouer un rôle actif dans la prévention et la détection de ces pratiques, qu’elle qualifie de « violences insidieuses souvent déguisées en traditions ».

« Les étudiants ont été attachés les uns aux autres, parfois dans des positions dégradantes, ils ont été couverts d'un mélange collant et puant à base d'œufs, de farine, d'eau, de vinaigre, de ketchup, de litière pour lapins, et de soupe de poisson, entre autres. “Je me sentais sale”, me disait la personne que j'avais au bout du fil. On est obligé d’accepter, parce qu'on nous dit en gros : Si vous ne le faites pas, vous n'êtes pas drôles, vous êtes des nuls”. » 
Lors d’un webinaire organisé par la FCPE le 9 octobre 2025, Françoise Mougin, secrétaire générale du Comité national contre le bizutage, a livré quelques témoignages glaçants recueillis au fil des ans par son association créée en 1997, dont la mission principale est d'écouter et de conseiller les victimes de bizutage. 
Car bien qu’interdits par la loi, les bizutages continuent, dans les établissements du supérieur surtout, mais aussi dans les internats du second degré. Une mobilisation des acteurs de la communauté éducative est nécessaire pour que le phénomène cesse.


Parler du bizutage sans tabou
« Le premier levier, c’est d’en parler. Tant que le mot n’est pas posé, le phénomène reste invisible », préconise Françoise Mougin, qui insiste sur la nécessité pour les parents de nommer clairement le bizutage et d’en discuter avant qu’un incident ne survienne.
Beaucoup de jeunes pensent encore qu’il s’agit d’un « rite d’intégration amusant », mais elle rappelle que toute mise en scène humiliante, même volontaire, est interdite* par la loi. Elle invite les familles à aborder le sujet à la maison, dès le collège ou le lycée, pour aider l’enfant à identifier une situation à risque. Au cours de cette discussion, les adultes pourront déconstruire les idées reçues, comme « tout le monde passe par là » ou « c’est juste pour rire ». Enfin, on peut aussi valoriser les initiatives d’accueil positives, basées sur la coopération et non sur la domination.


Être à l’écoute des signaux faibles
Une fois la soirée ou le weekend d’intégration passé, les parents doivent redoubler de vigilance. « Les enfants ne disent pas toujours qu’ils ont peur ou honte. Ils le montrent autrement », précise Françoise Mougin. Elle rappelle qu’un élève victime ou témoin de bizutage peut se replier sur lui-même ou changer de comportement. Elle encourage les parents à être attentifs à ce que l’enfant ne dit pas. Elle suggère d’observer les modifications d’attitude (isolement, irritabilité, silence inhabituel, perte d’appétit ou de sommeil) ; de favoriser le dialogue indirect (poser des questions sur « l’ambiance » plutôt que sur « un problème ») ; de rassurer l’enfant sur le fait qu’il a le droit de parler sans crainte d’être jugé. « Quand un enfant se tait, ce n’est pas qu’il n’a rien à dire : c’est souvent qu’il ne sait pas comment le dire. À nous de créer l’espace pour qu’il le fasse. »


Agir collectivement et sans attendre
Si une situation de bizutage est avérée, il faut aller très vite. « La pire erreur serait de banaliser. Si on soupçonne un bizutage, il faut en parler, pas après, maintenant », poursuit Françoise Mougin.
La réactivité et la coopération entre les différents acteurs (parents, enseignants, direction, associations) sont essentielles. Le signalement n’est pas une dénonciation, mais une démarche de protection collective. Car si le bizutage n’est pas signalé, il se reproduira l’année d’après. « Prévenir, c’est aussi montrer qu’on n’est pas seul. Quand les adultes parlent d’une même voix, les élèves se sentent protégés. »
Elle encourage les familles à contacter l’établissement (prof principal, CPE, direction) pour signaler un comportement suspect. Il faudra également prendre conseil auprès d’un avocat, et documenter les faits le plus précisément possible. La FCPE et le Comité national contre le bizutage sont évidemment des appuis pour obtenir des conseils et un soutien. Le CNCB intervient, dans bien des cas, auprès de l’établissement concerné, en préservant l’anonymat de sa source.
« Le bizutage n’est pas une fatalité : c’est une question d’éducation, de vigilance et de courage collectif. », conclut Françoise Mougin. Des actions de prévention peuvent donc être également organisées, auprès des élèves de terminale notamment.


* « Hors les cas de violences, de menaces ou  d'atteintes sexuelles, le fait pour une personne  d'amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou  à commettre des actes humiliants ou dégradants  ou à consommer de l’alcool de manière excessive, lors de manifestations ou de réunions liées aux  milieux scolaire, sportif et socio-éducatif est puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende ». (Article 225-16-1 du Code pénal modifié par la loi du 27 janvier 2017).

 

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