Rythmes scolaires : rouvrons le débat !

Dans une interview accordée au journal 20 minutes le 8 février dernier, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a évoqué la mise en place prochaine d’expérimentations pour modifier les rythmes scolaires et faire plus de place au sport. Coup de com’ ou provocation ? Dans tous les cas, cette annonce est l’occasion pour la FCPE de rouvrir le débat sur le rythme des enfants et le calendrier scolaire, particulièrement malmenés ces dernières années. Nous donnons donc ici la parole aux élus de deux communes pugnaces, qui ont conservé la semaine de 4,5 jours dans l’intérêt des enfants d’abord, et à Esther Yvars, représentante FCPE.

« Il faut parfois un peu de courage politique »
Damien Berthilier, adjoint au maire « Education et universités » de Villeurbanne

« En ce qui concerne les rythmes scolaires, nous avons privilégié une méthode : celle de prendre du temps, de ne pas organiser précipitamment un vote qui n’aurait pas eu de sens, tant le sujet est complexe et les avis divergents. Nous avons organisé un bilan partagé avec toute la communauté éducative pendant toute l’année 2018, avec une méthode co-construite avec les acteurs. Nous avons également interrogé les enfants qui sont tout de même les premiers concernés. A l’issue de ce travail, il nous est apparu qu’il n’y avait pas assez d’éléments justifiant un retour à 4 jours, qu’aucune étude scientifique n’est venue conforter. Pourquoi dès lors tout bouleverser au bout de seulement 5 ans, alors que nous commençons seulement à mesurer les effets de la cinquième matinée de classe ?
Les bénéfices pour les élèves sont de deux ordres. D’abord, sur la qualité des apprentissages. Lors d’une réunion publique, une directrice d’école en REP+ a expliqué à quel point la cinquième matinée était bénéfique pour le travail des élèves ; mais également comment la réduction du temps de l’après-midi avait amélioré sensiblement le climat scolaire. Ensuite, sur l’accès du plus grand nombre à des activités. Nous estimons qu’il y a dans notre ville 3 à 4 fois plus d’enfants qui participent à des activités de loisirs depuis 2014. C’est une question de justice sociale.
Nous travaillerons, toujours en associant parents et professionnels, à la meilleure adaptation des rythmes et contenus à l’âge des enfants, notamment en maternelle. La question de la fatigue, souvent revenue dans les échanges, sera au cœur de nos préoccupations avec des aménagements des espaces pour se reposer et s’isoler, de la formation des intervenants et de la sensibilisation des parents sur le sommeil.
Il faut parfois un peu de courage politique. Il ne suffit pas de proclamer l’intérêt de l’enfant, il faut avoir de la constance sur le sujet. On ne peut pas, par renoncement des adultes, être un des seuls pays au monde à croire que l’école sera meilleure parce qu’on y va moins souvent ! »

 

« La mise en place des 4,5 jours n’a pas nécessité une grande révolution »
Bernard de Carrère, maire-adjoint délégué à l’éducation et aux sports d’Issy-les-Moulineaux

« Un bilan du projet éducatif de territoire a été effectué au printemps 2017 avec un questionnaire de satisfaction très détaillé adressé à toutes les familles, aux enfants, aux enseignants et aux intervenants périscolaires. Tous les participants se sont accordés, à une très large majorité, pour dire que ces activités, proposées sur tous les temps péri et extrascolaires, étaient très diversifiées, d’une très grande qualité et que les enfants en étaient très satisfaits.
Suite à la parution du décret de juin 2017, la ville a demandé à toutes les familles, via un nouveau questionnaire envoyé en octobre 2017, si elles souhaitaient garder l’organisation actuelle de la semaine scolaire, ou bien repasser à une organisation sur 4 jours. De façon très majoritaire, les familles se sont prononcées pour les 4,5 jours. La municipalité les a donc écoutées et a pris la décision de maintenir le système actuel. Et ce sera aussi le cas à la rentrée 2019.
La réelle plus-value de cette organisation est la possibilité d’organiser des activités sur un créneau de 2 heures, pendant les 4 jours de la semaine. Ainsi, les enfants ont le temps de se déplacer sur toutes les infrastructures disponibles, que ce soit sportives ou culturelles. Issy-les-Moulineaux avait déjà une très forte culture de l’activité périscolaire puisque ces activités existaient déjà bien avant la réforme, quand l’école était organisée sur 4 jours. La mise en place de cette réforme n’a donc pas nécessité une “grande révolution”, puisque toutes les bases de l’organisation d’activités périscolaires étaient déjà établies. Enfin, le coût de la mise en œuvre de la réforme, qui était important au démarrage, a été maîtrisé, au fur et à mesure, grâce à un travail important d’optimisation des organisations et des dépenses. Aussi, le surcoût est globalement absorbé, tout en maintenant un service de grande qualité. »

 

« Notre seule motivation, l’intérêt de l’enfant ! »
Esther Yvars, présidente de l’union locale FCPE d’Issy-les-Moulineaux, et représentante de parent d’élève sur l’école des Chartreux

« Depuis le début des débats sur la réforme des rythmes, en tant que parents, notre préoccupation a toujours été la même : que toutes les décisions qui concernent l’organisation des temps scolaires et périscolaires prennent en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous avons œuvré sur le terrain pour que soient notamment appliquées les préconisations du rapport de l’académie nationale de médecine adopté le 19 janvier 2010, à savoir prendre en compte les rythmes biologiques de l’enfant et favoriser les apprentissages le matin au moment des pics de concentration des élèves.
Sur la ville d’Issy-les-Moulineaux, plusieurs actions sur le terrain ont été entreprises. Les représentants des parents d’élèves ont été associés à la construction d’un sondage mené par la mairie. Le résultat a été sans appel et a montré que l’organisation de la semaine sur 4,5 jours était largement plébiscitée par les familles. Par ailleurs, lors de la consultation des conseils d’école de la ville sur la question des rythmes scolaires, l’union locale FCPE a rédigé une motion à destination de ses adhérents et qui a été lue dans les conseils d’école
Les arguments qui ont pu être opposés sur la fatigue des enfants n’ont jamais été recevables et ne reposent sur aucun élément factuel. En effet, au sein des écoles il n’est pas recensé plus d’absences ou de chutes dans la cour. En outre, la réflexion pourrait être élargie au fait que la France est le seul pays en Europe qui pratique une semaine scolaire de 4 jours.
Si un bilan doit être tiré, c’est bien celui d’un travail en en bonne intelligence avec la commune sur ce dossier. Nous avons été associés à toutes les étapes de la décision et les arguments de la FCPE ont été entendus.
Nous pensons qu’une communication plus ciblée sur les apports des activités périscolaires pourrait favoriser un retour à la semaine de 4, 5 jours dans d’autres communes. Par exemple, il est indiscutable qu’un atelier sport collectif favorise l’apprentissage de l’esprit d’équipe, l’assimilation de règles et du vivre ensemble. De la même manière, un cours de théâtre développe la mémorisation et la faculté de s’exprimer à l’oral.
En tout état de cause, la réflexion du ministre de l’Education nationale et de la ministre des Sports sur le fait de consacrer l’après-midi à la pratique sportive est une véritable opportunité pour rediscuter des rythmes et reconnaître la pertinence des arguments de la FCPE sur cette question.
Concernant Issy-les-Moulineaux, l’union locale FCPE salue et se félicite de la décision prise mais elle restera vigilante et suivra de très près la question des rythmes scolaires sur la commune. »

On ne peut pas, par renoncement des adultes, être un des seuls pays au monde à croire que l’école sera meilleure parce qu’on y va moins souvent !
Damien Berthilier