La prostitution des mineurs : prévenir et agir
Aujourd’hui, entre 7000 et 10 000 adolescents seraient concernés par la prostitution, avec une majorité de filles. Un phénomène complexe et multiforme, qui touche tous les milieux sociaux et tous les territoires géographiques. Son ampleur reste difficile à quantifier précisément, mais, selon de nombreuses sources - associations, police, justice – elle serait en forte expansion. Pour y faire face, un plan de lutte gouvernemental a été lancé à l’automne, doté de 14 millions d’euros, avec une campagne de sensibilisation du grand public qui a débuté en mars 2022.
Face à cette situation, et face au désarroi et à la culpabilité des parents concernés, la FCPE a souhaité s’emparer de ce sujet en organisant un webinaire le 1er avril 2022, ouvert à tous ses adhérents, et en présence de représentants lycéens et d’experts.
Bérengère Wallaert, déléguée générale de l’association Agir contre la prostitution des mineurs (ACPE) a ainsi présenté les signes de conduite pré-prostitutionnelle qui, cumulés entre eux, doivent alerter les parents, comme l’envoi de nudes*, une situation de harcèlement scolaire, des achats de biens de consommation, des difficultés relationnelles avec la famille, des fugues répétées…
La déléguée générale de l’ACPE a également souligné différents facteurs sociétaux de nature à favoriser la prostitution des mineurs, en lien avec les réseaux sociaux ou encore la téléréalité, tels l’hypersexualisation, la mise en scène de soi, des stéréotypes de genre très forts, une valorisation de l’argent et de la consommation, sans compter un accès à la pornographie de plus en plus précoce. Pour lutter contre ces tendances, il est nécessaire que les parents et l’école aient un contre discours sur le corps et la sexualité.
Benoît Rogeon, chef du bureau de la santé et de l’action sociale au ministère de l’Education nationale et Samia Bounouri, infirmière scolaire, secrétaire départementale du SNICS-FSU en Seine-Saint-Denis, ont poursuivi sur les actions mises en place en milieu scolaire. Dans cette optique, la prévention du harcèlement scolaire est un point fondamental : en effet, dans de nombreuses situations de prostitution, il existe un historique de harcèlement. Benoît Rogeon a également souligné l’importance de parler de sexualité aux enfants le plus tôt possible, avec bien entendu un discours adapté à chaque âge, mais beaucoup d’enseignants se freinent sur ce sujet, parfois par peur de la réaction des parents. Les fédérations de parents d’élèves peuvent avoir un rôle important à jouer à ce niveau. Enfin, Samia Bounouri a insisté sur la nécessité urgente de renforcer les effectifs de médecins et d’infirmières scolaires.
Simon Benard-Courbon, substitut du procureur de la République de Bobigny, a ensuite évoqué les réponses de l’institution judiciaire à la prostitution des mineurs. L’intervenant a ainsi rappelé que la prostitution des mineurs est interdite en France, ce qui peut sembler une évidence, mais a des conséquences juridiques concrètes à savoir que le mineur est toujours une victime, quel que soit son âge (plus ou moins de quinze ans) ou qu’il soit ou non consentant. Le mineur prostitué est en danger au sens du code civil, ce qui implique à la fois une obligation de mise en place d’un suivi éducatif pour lui, et la répression des clients et des proxénètes.
Enfin, Pascal Contival et Rémy Chevillard, de la compagnie théâtrale Le cri de l’escargot, ont présenté leur projet pédagogique d’adaptation du témoignage de Nina et Thierry Delcroix, Papa, viens me chercher ! sous forme de théâtre documentaire destiné à des adolescents à partir de 13 ans.
*Les nudes sont des photographies dénudées envoyées sur les réseaux sociaux.