Offrir la même école à tous les élèves

Retour sur la table ronde organisée le 24 septembre 2022 à la Maison de l’océan à Paris, lors du 76e congrès de la FCPE. Un échange avec les parents d’élèves, qui avait, pour thème, l’égalité des droits.

Tous les élèves bénéficient-ils de la même offre scolaire en France ? L’État et les collectivités mettent-ils tout en œuvre pour assurer à chacun un parcours scolaire réussi ? La réponse est malheureusement trop bien connue, et c’est non ! Quatre experts de la question étaient présents au 76e congrès de la FCPE pour dresser un état des lieux de ces inégalités scolaires. Un bilan très pessimiste qui a néanmoins permis aux représentants de parents FCPE de repérer les leviers d’action possibles.

Première intervenante à avoir pris la parole, Agnès Florin, professeure émérite de psychologie de l’enfant et de l’éducation à l’Université de Nantes, a concentré ses propos autour des droits de l’enfant. Elle a notamment rappelé quelques chiffres de la synthèse rédigée pour l’Unicef en 2021 après consultation de 23 500 jeunes de 6 à 18 ans. Inscrit dans la Convention internationale des droits de l’enfants, celui du droit à s’exprimer est loin d’être respecté. À la question « Est-ce que tu as le droit de donner ton avis sur ton école ? »,  41 % d’entre eux répondent non. 71 % d’entre eux sont également touchés par au moins un type de privation : 25 % n’ont pas accès à des activités périscolaires, 20% manquent d’équilibre alimentaire.

Ce fut ensuite au tour de Rémi Rouault et Patrice Caro, géographes sociaux à l’université de Caen, de nous livrer leur analyse sur les fractures scolaires. Cartes éloquentes à l’appui. Rémi Rouault a pointé du doigt un premier droit non respecté, celui d’être scolarisé près de chez soi, puisque 5% de la population scolaire n’a pas d’école maternelle dans sa commune. Un choix de proximité qui n’est pas assuré non plus dans l’enseignement professionnel.

La prétendue unité du système éducatif national est nettement fissurée lorsque sont également observées les dépenses d’éducation des collectivités. En 2010, la commune de Gravelines, par exemple consacrait 5800 € par an par élève, quand certaines communes de Lozère en consacraient moins de 300 euros. Dernier élément marquant cité par Rémi Rouault : le montant du soutien financier accordé aux élèves en difficulté. La dépense publique consacrée à la défiscalisation des cours particuliers est d’un montant dix fois supérieur au budget dédié par l’État à l’accompagnement des élèves en éducation prioritaire*.

Patrice Caro s’est quant à lui attaché à montrer que les collectivités (départements et régions) étaient des acteurs importants d’inégalité scolaire par leurs investissements en matière de transports scolaires, de construction et de rénovation d’établissements. Les départements et régions d'outre-mer étant les plus fortement touchés par ce manque de moyens alloués.

Enfin, Josef Schovanec, philosophe, écrivain et autiste de haut niveau, a conquis l’auditoire en dénonçant la façon dont sont considérés, encore aujourd’hui, les élèves en situation de handicap : « Comment faire pour que les lieux d’apprentissage ne soient pas excluants ? Comment donner toute leur place aux personnes que l’on juge différentes, mais qui peuvent correspondre pourtant, mieux que quiconque, aux grands idéaux de l’école ? Si vous savez ce qui s’est passé le 1er septembre 1715, vous aurez certainement le droit à un diplôme d’autiste en chocolat. Car c’est la mort de Louis XIV. C’est un exemple d’apprentissage que certains profils d’enfants réussiront, et par le mauvais hasard des choses, ce sont justement ces profils d’enfants que l’on chasse le plus rapidement des apprentissages. »

Selon lui, une des clés pour transformer l’école serait un changement de prisme. « À mon avis, le handicap devrait être davantage perçu sous l’angle social plutôt que médical. On a ce très fâcheux réflexe de toujours vouloir réduire la personne différente à une forme de réalité médicale. Comme si les gens dits spéciaux relevaient de spécialistes, de lieux spécialisés. C’est très étonnant car l’on peut pourtant observer, de façon tout à fait massive, que le parcours d’un élève dit “en situation de handicap” dépend surtout du cadre social qui lui a été proposé pendant ces jeunes années. On ne soulignera jamais assez l’importance décisive dans le parcours des personnes dites différentes de l’environnement familial, social et professionnel. »

*Voir page 7 de la présentation en téléchargement dans l’encadré Ressources.