Mayotte : la FCPE est mobilisée pour défendre l’intérêt des enfants

Des classes bondées, des bâtiments qui accueillent beaucoup plus d’élèves que la réglementation ne le permet, des cantines scolaires qui font défaut…
Mayotte est l’un des départements les plus pauvres de France, où la démographie est toujours croissante, contrairement au reste du territoire.

Entretien avec Haïdar Attoumani Said, président de la FCPE Mayotte qui témoigne de la situation dans son département.

Quelle est la situation à Mayotte et quel vœu faites-vous pour cette nouvelle année qui commence ?

A l’heure où partout à travers le monde, les appels à projets pour la numérisation et l’innovation au sein des établissements scolaires se multiplient, la situation de Mayotte doit tous nous interpeller. 2023, c’est une nouvelle année qui s’ouvre pour la population et je voudrais qu’elle soit une année d’espoir pour relancer la formation de la jeunesse.

A Bandraboua, Koungou, Mamoudzou, Dembéni, Chiconi, Tsingoni, Ouangani, Boueni, … les parents font entendre, depuis des mois, leur mécontentement par des blocages. Pourtant, avant chaque mobilisation, il y a toujours des alertes qui sont faites notamment en conseil d’école mais malheureusement, en leur sein, il manque souvent la présence du maire ou de son représentant.

A Dembéni par exemple, la situation est dramatique. Le maire refuse de rencontrer les parents parce qu’il est le premier magistrat et c’est lui seul qui décide qui il souhaite rencontrer. Or, dans cette commune, le bâti scolaire est complètement délabré, et la FCPE se demande si les ouvertures de ses écoles ont bien reçu l’avis favorable de la commission de sécurité. Au vu de la situation, la FCPE a donc demandé aux parents de ne pas exposer leurs enfants au danger en cette rentrée de janvier tant que la situation ne s’améliore pas sur l’ensemble des écoles de cette commune.

Quelle est la spécificité du département de Mayotte ?

Mayotte est un département jeune avec comme force et comme richesse cette même jeunesse qui mérite l’attention de tous. Lui donner les opportunités nécessaires pour se réaliser, souhaiter le bien-être de ses habitants devrait animer la conscience de tout responsable politique. Plus que jamais, la population demande à être écoutée, valorisée et respectée. Nous demandons à ce que l’apprentissage et la réussite soient au cœur des débats publics. Les derniers résultats des évaluations nationales ne sont pas favorables sur l’ensemble du territoire national et pour Mayotte, la situation est encore plus compliquée. Et cette réalité doit interpeller le recteur d’académie nouvellement nommé. La FCPE tient d’ores et déjà à l’alerter. A Mayotte, de plus en plus de jeunes sont bien accompagnés au niveau du suivi scolaire. Ils ont de très bons résultats mais ils n’ont aucune perspective pour valoriser leurs compétences. Quant à ceux qui cumulent des retards importants, il faut leur permettre d’être soutenus et accompagnés.

Vous dénoncez un bâti scolaire délabré. Qu’en est-il exactement ?

Mayotte ce sont dix-sept communes et treize cantons qui la composent. Mais les écoles ne répondent pas aux enjeux et besoins du territoire. Comment bâtir Mayotte de demain, si les collectivités locales négligent la qualité des établissements scolaires, si l’accueil des enfants en leur sein et le bâti font sérieusement défaut ?

En France hexagonale, le ministère de l’Education nationale annonçait une diminution d’effectifs de 67.000 élèves cette année, à la rentrée scolaire (-1,2 %) en primaire. Cette tendance concerne tout le territoire, à l’exception de Mayotte et de la Guyane.

Lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la priorité avait été donnée à l’école primaire et à la maîtrise des savoirs fondamentaux (la lecture, l’écriture, les mathématiques). L’exécutif souhaitait lutter précocement contre les difficultés scolaires pour améliorer le niveau des élèves dans le second degré. Pour estomper les inégalités scolaires dans le premier degré, le gouvernement a entrepris depuis 2017 une politique de dédoublement des classes dans l’éducation prioritaire, avec une limitation du nombre d’élèves à 12 d’abord en CP et en CE1, puis à partir de 2020, en grande section de maternelle. Dans les établissements du premier degré ne faisant pas partie de l’éducation prioritaire, le gouvernement s’est aussi fixé l’objectif de réduire les effectifs des classes de grande section, CP et CE1. Il vise 24 élèves par classe. Cette mesure a été amorcée en 2020.

Au niveau du territoire de Mayotte, la priorité du président Macron ne  peut pas s’appliquer car la politique de dédoublement  est impossible à mettre en œuvre. Exiger  la politique de dédoublement des classes dans l’éducation prioritaire, avec une limitation du nombre d’élèves à 12 prévue dans un premier temps en CP et en CE1 puis généralisée  à l’ensemble des niveaux, c’est laisser à la maison plus de la moitié des 61 000 élèves du primaire. Car aujourd’hui, de façon très concrète, il manque des locaux, autrement dit plus de 800 salles de classe.

La construction de ces 800 salles de classe est un défi que nous souhaitons que l’Etat et les collectivités locales relèvent au plus vite.

Car je le rappelle ici, l’école de la République doit tenir ses promesses en tout point du territoire. Les Mahorais ne peuvent être les oubliés de la République. Plus que jamais, nous serons mobilisés avec la FCPE nationale pour faire entendre la voix des parents de tous les territoires.