L’école laisse les élèves les plus fragiles dériver

En septembre, près de 1,6 million d’élèves de CP et CE1 ont été évalués dans près de 31 000 écoles publiques et privées sous contrat. Au collège, plus de 810 000 élèves ont passé une évaluation standardisée sur support numérique dans plus de 7 000 établissements du secteur public et du secteur privé sous contrat. Le 9 novembre 2020, le service statistique du ministère de l’Éducation nationale, la Direction de l’évaluation de la prospective et de la performance (DEPP), a mis en ligne ces résultats. La FCPE vous livre ici son analyse.

Après une période de confinement, nos enfants méritaient mieux que des évaluations nationales !
Pendant leur scolarité, à côté des examens nationaux, tels que le brevet ou le bac, les élèves sont soumis à des évaluations nationales standardisées menées par le ministère de l’Éducation nationale.
Alors que bon nombre d’entre eux n’avaient pas été en classe depuis plusieurs mois, des centaines de milliers d’élèves de CP, de CE1 et de 6e ont donc dû passer, dès leur retour en classe, des tests de niveau en français et en mathématiques. D’ailleurs, la FCPE s’est clairement positionnée sur cette pratique et a rappelé qu’il aurait fallu laisser le temps à tous les élèves de s’acclimater à leur nouvelle classe, de se réhabituer au rythme scolaire pour qu’ils remobilisent progressivement les savoirs acquis l’année scolaire précédente. Elle estime par ailleurs que cette mission est celle des enseignants, seuls à même de construire les outils capables d’évaluer, puis de répondre aux besoins de leurs élèves.
Car, à quoi bon faire subir aux élèves des évaluations de ce type, si le ministère ne prévoit pas ensuite des moyens financiers et humains supplémentaires pour les accompagner et les aider dans leurs apprentissages ? La cohérence avec le budget de l’Éducation nationale proposée pour 2021 n’est pas limpide… L’intérêt pédagogique ne l’est pas non plus.
Les questions qui se posent sont nombreuses : les seuils de réussite représentent-ils seulement une répartition politiquement « acceptable » des élèves qui sont en difficulté et de ceux qui ne le sont pas ? Sont-ils un outil fiable pour cerner la difficulté scolaire, et y apporter une aide adéquate ? Gardons en tête que faire partie des plus faibles d’un échantillon d’un point de vue statistique ne signifie pas pour autant avoir des lacunes réelles.
Par ailleurs, la passation numérique des évaluations par les élèves de 6e ne tient pas toutes ses promesses. En effet, leurs enseignants ne disposent pas des réponses qu’ils ont données pour toutes les compétences évaluées. Il est dommage qu’ils aient seulement accès aux réponses détaillées pour la compréhension de l’écrit en français et pour la résolution de problèmes en mathématiques. Pour les autres compétences, ils doivent se contenter des statistiques de réussite.

Que retenir des résultats publiés ?
La synthèse des résultats s’attache à comparer les différentes campagnes d’évaluations.
La cohorte des élèves entrés en CP en 2018 a eu de meilleurs résultats à la session de mi-année, qu’à celle de la rentrée de CE1 pour les compétences comparables. Et, sur la même période, les écarts entre les établissements en zone d’enseignement prioritaire et les autres se sont réduits. Cette tendance s’est ensuite inversée si l’on regarde l’évolution des écarts entre mi- CP et début de CE1, pour les compétences comparables.
Les écarts de résultats entre secteurs de scolarisation ont à nouveau augmenté. À ce sujet, le rapport du ministère pointe une explication très surprenante : « L’hypothèse la plus forte est qu’il s’agisse de « l’effet des vacances scolaires » et nécessitera une étude plus approfondie ». En attendant, le suspense est immense : Les élèves scolarisés hors établissements prioritaires ont-ils planché sur des cahiers de vacances ? Ont-ils une meilleure mémoire ?
La FCPE préfèrerait que le ministère se préoccupe davantage de l’effet « manque de moyens humains et financiers » pour faire progresser tous les élèves. Les résultats de cette cohorte interrogent également la pertinence pédagogique des dédoublements de classes de CP et CE1 en éducation prioritaire en regard de leur coût important.
Qu’en est-il un an plus tard ? Malgré une épidémie persistante, un confinement, des discontinuités pédagogiques, le ministère n’a rien changé et n’a pas tiré des leçons du passé. Le même calendrier de passation des évaluations nationales a été retenu, le dédoublement des classes de CP et CE1 en éducation prioritaire n’a pas fait l’objet d’une évaluation approfondie, les moyens humains et financiers pour lutter contre les inégalités scolaires sont toujours insuffisants.  
À première vue, la cohorte des élèves entrés en CP en 2019 a connu une évolution similaire à celle de 2018 : progression entre les évaluations de rentrée et de mi-année de CP, puis régression à l’entrée en CE1 avec creusement des écarts de résultats entre secteurs de scolarisation. Ce qui est préoccupant pour les élèves concernés, c’est la baisse de niveau plus importante qu’en 2018, de même que les écarts de résultats entre secteurs de scolarisation. Le ministère conclut dans son rapport : « L’hypothèse la plus forte est qu’il s’agisse de l’effet de la période de confinement cumulé à celui des vacances scolaires. L’analyse de cet effet éventuel nécessitera une étude plus approfondie ». Cette année encore, la FCPE n’est pas convaincue de l’existence d’un « effet vacances scolaires ».
Concernant les conséquences de la période de confinement, la FCPE est en attente des résultats de l’« étude plus approfondie ». La FCPE invite le ministère à prendre toutes ses responsabilités quant à sa gestion de cette période et ses conséquences sur les élèves.
Pour les collèges, d’importantes différences de résultats entre les élèves rentrant en 6e dans un collège éducation prioritaire et les autres persistent. Le phénomène observé chez les écoliers se poursuit, ce qui va dans le même sens que les résultats des enquêtes PISA 2015 et 2018 : notre système éducatif est très inégalitaire.
Certes, les résultats en français et en mathématiques sont meilleurs en 2020 qu’en 2019. Cependant, ces taux de maîtrise sont inférieurs à ceux de 2017 et 2018 pour le français. En mathématiques, ils sont comparables à ceux de 2017 et 2018.  
La hausse des performances observées entre 2019 et 2020 en français concerne tous les secteurs d’enseignement. En mathématiques, la hausse est la plus importante dans le secteur privé (+4,6 points), un peu moindre dans le secteur public hors éducation prioritaire (+3,2 points. Elle est beaucoup plus faible en REP (+1,8 points) et en REP+ (+0,3 points).