Circulaire de rentrée 2022 : l'analyse de la FCPE

Exercice traditionnel de fin d’année scolaire, la circulaire de rentrée 2022, Une École engagée pour l'excellence, l'égalité et le bien-être, est parue au Bulletin officiel du 30 juin 2022. Cette circulaire de rentrée s’inscrit directement dans la continuité de la politique menée par Jean-Michel Blanquer et des annonces d’Emmanuel Macron. Articulée autour de trois grands objectifs, elle n'apporte guère d'innovations, ni de précisions sur les moyens qui seront mis en œuvre. Voici notre analyse, mesure par mesure.

• Des concertations avec les partenaires à l’automne
Ce que dit la circulaire : Des réflexions collectives associant les partenaires seront engagées au sein des équipes, à partir du projet de leur école ou de leur établissement, afin qu'elles puissent identifier leurs atouts, leurs difficultés et leurs besoins. Chaque académie sera chargée de l'organisation générale de ces débats qui se déclineront à l'échelon local dans les écoles et établissements pour susciter, encourager et accompagner les initiatives les plus adaptées à la réussite des élèves, à leur épanouissement et à la résorption des inégalités scolaires.


Ce que dit la FCPE : Annoncée dès le préambule de la circulaire, cette mesure faisait partie du programme d’Emmanuel Macron, à savoir une large concertation dans l’Education nationale, associant les enseignants, les personnels administratifs, les élus, les parents d’élèves, les associations et les élèves. La FCPE sera vigilante à ce que parents et élèves soient réellement associés et que ces concertations aient lieu en dehors des heures de cours.


• Une généralisation progressive de l’expérimentation marseillaise
Ce que dit la circulaire : Dans la continuité de l'expérimentation marseillaise et en vue d'en généraliser progressivement la méthode, le ministère met en place un dispositif d'appui aux innovations locales pour la réussite des élèves. 

Ce que dit la FCPE : La généralisation de l’expérimentation marseillaise faisait, elle aussi, partie des annonces d’Emmanuel Macron. Cependant, dans la circulaire de rentrée, cette promesse semble ramenée à une taille plus modeste. Aucun budget n’est annoncé.
Sur l’expérimentation elle-même, la FCPE exprime ses craintes sur le recrutement local de postes à profil. Si, par ailleurs, une plus grande autonomie laissée aux équipes peut constituer un aspect positif, il est important de veiller à ne pas creuser encore plus les inégalités territoriales entre les écoles.

• La maîtrise des fondamentaux : priorité à l’école maternelle
Ce que dit la circulaire : La maîtrise des fondamentaux (lire, écrire, compter) est un objectif prioritaire de réduction des inégalités. C’est sur la maternelle puis sur le passage au CP que doivent se concentrer les efforts, notamment au travers de la formation des professeurs.

Ce que dit la FCPE : Si la priorité donnée à l’école maternelle est une bonne chose, puisque c’est dès le plus jeune âge que les inégalités scolaires apparaissent (voir la note du conseil scientifique La peur d’échouer : un vecteur des inégalités dès l’école maternelle), la FCPE rappelle néanmoins dans son projet éducatif qu’il n’est pas possible de se contenter des savoirs dits « fondamentaux ». Cela reviendrait à se priver d’autres approches qui peuvent mieux correspondre à certains élèves et leur permettre d’entrer différemment dans les savoirs scolaires. Cet accent mis sur les fondamentaux dans la circulaire de rentrée montre bien la continuité avec la politique de Jean-Michel Blanquer. La FCPE défend le socle commun de connaissances de compétences et de culture. La prise en compte du développement psychoaffectif des enfants et des adolescents, de leur réalité quotidienne, des dynamiques de groupe et de mobilisation participent bien à la formation des citoyennes et citoyens de demain.

• Le collège
Ce que dit la circulaire : Le plan mathématiques sera poursuivi. Les priorités seront données à la réduction des écarts de niveau en 6e, à l’ouverture au monde professionnel et au développement de la pratique sportive.

Ce que dit la FCPE : Peu de mesures concernent spécifiquement le collège dans cette circulaire bien que ce niveau soit souvent considéré comme le maillon faible du système éducatif. Des mesures disparates sont énumérées sans mention des moyens pour leur mise en œuvre.

Le retour des mathématiques dans le tronc commun de première
Ce que dit la circulaire : Un enseignement spécifique de mathématiques est réintroduit dans le tronc commun de première générale pour les élèves volontaires, pour l’année 2022-2023. 

Ce que dit la FCPE : La FCPE a voté contre cette disposition en Conseil supérieur de l’éducation, qui a reçu un avis défavorable de l’instance. En effet, les mathématiques ne doivent pas être un vecteur de tri pour les élèves. Cet enseignement doit être pérennisé et obligatoire pour tous les élèves de première. La circulaire mentionne bien que des dispositions définitives seront prises pour la rentrée 2023, mais sans plus de précisions.

Le lycée professionnel
Ce que dit la circulaire : Le dispositif InserJeunes sera enrichi. La semaine des lycées professionnels, mise en place en 2021, sera reconduite et l’expérimentation Avenir pro sera étendue. 
Priorité sera redonné aux périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) mises à mal par la pandémie et la poursuite d’études après le baccalauréat professionnel, marquée par un fort taux d’échec, sera encouragée par une pédagogie adaptée.


Ce que dit la FCPE : Malgré l’annonce d’une priorité donnée aux PFMP dans la circulaire, le doublement de ces périodes annoncé par Emmanuel Macron ne sera pas mis en œuvre à cette rentrée. 
Par ailleurs, encourager la poursuite d’études après le bac pro est une bonne chose, mais compter, comme le prévoit la circulaire, sur la seule « pédagogie adaptée » pour y parvenir relève du vœu pieu.

Les évaluations
Ce que dit la circulaire : L'évaluation des établissements du second degré, engagée en 2020, sera poursuivie à la prochaine rentrée scolaire et amorcée dans le premier degré.
Par ailleurs, des évaluations seront étendues à une partie des élèves de CM1 et de 4e.

Ce que dit la FCPE : la question de l’autoévaluation des établissements participe d’une démocratie éclairée. En effet, les autodiagnostics mis à disposition des établissements par le Conseil d’évaluation de l’Ecole devraient participer à une co-construction plus fine du pilotage des établissements. Cependant, les établissements sont peu nombreux à s’être saisis de cette démarche qui associe les parents et les élèves. 
Par ailleurs, la question des évaluations nationales continue son chemin dans les agendas ministériels, faisant fi d’une évaluation personnalisée par l’élève et par les équipes éducatives. Ce principe renvoie à toujours plus d’individualisation de la relation pédagogique, amenant les élèves même très jeunes à être confrontés encore et toujours à la seule note et sa pression associée. Car si une telle pratique permettait dans l’absolu « une photographie » de la population scolaire afin de travailler par exemple sur l’aménagement des programmes, elle ne renvoie à rien d’autre que le constat de la hausse des inégalités sociales et scolaires. 

• L’inclusion scolaire
Ce que dit la circulaire : Une attention particulière sera portée aux relations avec les familles, avec des rencontres en amont de la rentrée scolaire entre parents, équipes pédagogiques et accompagnants. La revalorisation de la situation des AESH se poursuivra.

Ce que dit la FCPE : Il n’y a aucune annonce concrète sur l’école inclusive dans cette circulaire. Le ministère se félicite de l’extension des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL) alors que nos retours du terrain montrent clairement que ce dispositif est source de dégradation dans l’accompagnement des élèves.

• La prise en charge de la difficulté scolaire 
Ce que dit la circulaire : Les collèges expérimenteront, en lien avec les autorités académiques, de nouvelles organisations pédagogiques en classe de sixième pour mieux accompagner la transition entre l'école et le collège et renforcer le niveau des élèves dans les savoirs fondamentaux. La priorité sera donnée aux collèges dont les résultats aux évaluations nationales révèlent des difficultés spécifiques. L’accompagnement personnalisé et Devoirs faits devront être pleinement utilisés.

Ce que dit la FCPE : La circulaire ne précise pas quelles seront ces nouvelles organisations pédagogiques en classe de sixième, pour les collèges présentant des difficultés. L’accent est mis sur les savoirs fondamentaux (français, mathématiques) : attention à ne pas remettre en cause le principe du collège unique.
Quant à Devoirs faits, même si un rapport de l'Inspection générale de juillet 2019 en dresse un bilan globalement positif, la FCPE estime que l’aide doit se faire avant tout au sein de la classe par des enseignants, et que des moyens en postes supplémentaires permettent de mettre en place plus de groupe à effectifs réduits. Le dispositif devoirs faits se tient majoritairement pendant les heures de déjeuner ou de fin de journée, alourdissant des journées déjà bien longues. 

La lutte contre les assignations sociales et territoriales
Ce que dit la circulaire : Les familles les plus en difficulté financière doivent être pleinement informées de leurs droits à bénéficier de bourses, lesquelles seront revalorisées. Les chefs d'établissement devront également, avec l'appui des assistants de service social, mobiliser pleinement et massivement les fonds sociaux, afin d'apporter des aides d'urgence aux élèves les plus en difficulté.
De nouveaux internats d’excellence seront créés à la rentrée. Des cursus d'excellence seront implantés dans les établissements les moins favorisés et des élèves boursiers accueillis dans les établissements les plus favorisés. 
Une attention particulière devra également être portée au maintien d'un service public d'éducation de qualité dans les territoires ruraux isolés. L'expérience des Territoires éducatifs ruraux (TER) sera poursuivie et adaptée en lien avec l'École du futur. 

Ce que dit la FCPE : La réduction des inégalités doit être le fruit d’une politique globale. La FCPE s’insurge contre la méthode ministérielle qui consiste à créer des filières d’élite au sein d’établissements défavorisés, recréant ainsi une nouvelle forme de ségrégation au sein même de ces établissements.
Quant aux internats d’excellence (créés à l’origine en 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy et sous l’impulsion de Jean-Michel Blanquer, à l’époque recteur de l’académie de Créteil), ils contribuent certainement à vider les établissements défavorisés de leurs meilleurs éléments.


• L’orientation
Ce que dit la circulaire : Des collèges volontaires proposeront de nouvelles activités de découverte des métiers à partir de la 5e et tout au long du cycle 4, qui pourront prendre la forme de visites d'entreprises, de mini-stages, de rencontres avec des professionnels de différents secteurs d'activité…

Ce que dit la FCPE : L’après-midi consacrée chaque semaine à l’orientation dès la classe de 5e, annoncée par Emmanuel Macron, n’est pas reprise dans cette circulaire.
Concernant la découverte des métiers dès la classe de 5e, la FCPE sera vigilante à toute tentative d’introduire une pré-orientation précoce, dès le tout début du cycle 4.

• Le décrochage scolaire
Ce que dit la circulaire : Aucune annonce concrète sur le décrochage. Seule petite nouveauté : insister sur le fait que la lutte contre le décrochage commence dès l’école maternelle.

Ce que dit la FCPE : Prévenir le décrochage dès les premières années d’école est un point positif. Pour autant, après deux années de crise sanitaire et des études montrant la dégradation de la santé mentale des jeunes, une politique bien plus volontariste de lutte contre le décrochage, avec des véritables mesures de remédiation, aurait dû être mise en place. Il s’agira d’être en alerte face à l’évaluation normative à tout crin.

• Le respect de l’autre
Ce que dit la circulaire : L’école doit se fonder sur le respect de l’autre. Aucune atteinte à la laïcité ne sera tolérée. De telles atteintes feront l’objet d’une communication mensuelle.
Aucune discrimination n’a de place à l’école. La lutte contre toutes les formes de harcèlement, dans le prolongement de la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, doit continuer à être promue. Dès la rentrée, l'ensemble des collèges devront s'être engagés dans le programme pHARe, dont l'une des ambitions est la formation de tous les personnels et des élèves à la prévention et à la lutte contre le harcèlement. Chaque collège devra désigner des ambassadeurs Non au harcèlement. Tous les élèves, suivant leur âge, seront par ailleurs sensibilisés, le jour ou dans la semaine de la rentrée, au phénomène du harcèlement et du cyberharcèlement.

Ce que dit la FCPE : La circulaire met en avant le nécessaire respect des familles envers l’institution, mais la réciproque n’est pas mentionnée. 

• La santé mentale
Ce que dit la circulaire : Dès la rentrée, des travaux seront lancés pour conforter le rôle des personnels médico-sociaux et renforcer l'attractivité de leurs métiers. Une attention toute particulière devra être portée au repérage et au suivi des élèves qui montrent des signes de grande fragilité psychologique.

Ce que dit la FCPE : Dès novembre 2021, dans son rapport annuel consacré aux droits de l’enfant, la Défenseure des droits avait alerté sur les atteintes à la santé mentale des enfants. La FCPE, quant à elle, revendique depuis le tout début de la crise sanitaire l’urgence d’apporter un réel soutien psychologique à tous les élèves et de remettre le bien-être au cœur de l’école et des apprentissages. Sur ces questions cruciales, la circulaire de rentrée 2022 se contente malheureusement d’énoncer des généralités sans apporter la moindre réponse concrète.